Le Sahara occidental : liens sociaux et enjeux géostratégiques, dernier livre du sociologue Mohamed Cherkaoui
"Le Sahara : liens sociaux et enjeux géostratégiques" est le dernier livre du sociologue Mohamed Cherkaoui, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Paris.
Dans cette étude sociologique et géopolitique de 206 pages, parue aux éditions The Bardwell Press, Oxford (Royaume Unis), l'auteur traite de deux sujets centraux, le premier porte sur les enjeux géostratégiques du Sahara, le second concerne le lien social qui lie la population sahraouie à cet espace musulman sunnite, arabo-bèrbère qu'est le Maroc.
Dans la première partie, Mohamed Cherkaoui tente de montrer que les dirigeants algériens ont fait du Sahara l'un des principaux enjeux de leur politique étrangère depuis l'indépendance de leur pays, mettant en exergue le fossé qui sépare la rhétorique des premières années de l'indépendance de l'Algérie de la conduite qui a été celle des dirigeants algériens envers leurs voisins, marocains et tunisiens notamment.
L'auteur souligne que ces dirigeants n'ont jamais cru, ni ne croient aux principes qu'ils mettent en avant aujourd'hui, rappelant à titre d'exemple, qu'ils n'avaient pas hésité à violer lesdits principes lorsque la France leur avait demandé de consulter les Touaregs par voie référendaire.
Le problème du Sahara demeure incompréhensible si l'on se refuse à prendre en considération le contentieux territorial entre le Maroc et l'Algérie que l'auteur appelle "l'hybris impérial des maîtres d'Alger". L'auteur attire l'attention sur les problèmes qui naîtraient immanquablement d'une balkanisation de la région, qui s'étend de l'Atlantique à la Mer rouge, et esquisse une réflexion sur certaines conséquences que peuvent avoir sur la sécurité intérieure et extérieure des Etats, les défaillances des Etats, la "déterritorialisation" du terrorisme et la tentation tribaliste de certains mouvements politiques.
Par ailleurs, l'étude de Mohamed Cherkaoui inscrit la proposition d'autonomie des provinces du sud dans le cadre du vaste chantier de réformes que le Maroc poursuit depuis une décennie, choisissant ainsi la voie laborieuse de la démocratie fédérale plutôt que celle de la stratocratie qui semble fasciner les Etats de la région.
Citant de nombreux observateurs et experts internationaux, Mohamed Cherkaoui note que le projet d'autonomie élargie du Sahara, proposé par le Maroc, constitue la meilleure solution possible en ce qu'elle fait l'économie de problèmes stratégiques ou régionaux et satisfait les conditions du développement du bien-être des populations.
Outre le fait de réunir les conditions favorables au développement de groupes terroristes et de l'immigration clandestine, la création artificielle d'un Etat au Sahara encouragerait d'autres revendications qui se profilent déjà à l'horizon et menacerait l'intégrité territoriale d'autres Etats nord-africains et sahéliens de l'Atlantique au Soudan, avertit l'auteur.
Dans la seconde partie de son étude, Mohamed Cherkaoui traite de l'intégration des populations sahraouies. "Sans le Sahara, l'histoire du Maroc est incompréhensible, sans le Maroc, le Sahara n'est que désert", écrit-il.
A la faveur d'une analyse de toutes les données démographiques, économiques et sociologiques des quatre dernières décennies, l'auteur conclut que l'émergence et le renforcement d'un réseau dense de liens sociaux, économiques et politiques ferait sortir les provinces sahariennes du dénuement où elles se trouvaient pendant la colonisation en leur permettant d'accéder à la modernité grâce à "une politique de discrimination positive efficace".
L'auteur a conduit une enquête sur le meilleur indicateur de l'intégration sociale dans les provinces sahariennes et en a conclu que cet indicateur n'est autre que l'échange matrimonial. Une analyse des registres adouliens où figurent les contrats de mariage du début des années 1960 à 2006 a permis de vérifier l'hypothèse selon laquelle, au Sahara, où l'endogamie est la règle, le mariage exogame entre les sahraouis et le reste de la population marocaine aurait crû progressivement. Les résultats de cette enquête ont établi que depuis les années 1960 à nos jours, le taux d'endogamie est passé de plus de 97 pc à moins de 55 pc.
Mohamed Cherkaoui note que toute tentative de séparer les familles entre deux entités politiques serait socialement, politiquement et moralement attentatoire à la liberté des individus et à leur volonté de vivre ensemble.
L'auteur a d'autre part mis en garde contre les pertes énormes que fait subir aux peuples de la région l'absence d'une union maghrébine.
Ces peuples sont les témoins impuissants de tensions factices et épuisantes, déplore Mohamed Cherkaoui. Si ces peuples ne connaissent certes pas le coût économique exact de l'absence d'une union maghrébine, qui se chiffre annuellement en dizaine de milliards de dollars, ils en subodorent cependant l'importance.
Sources : le site politique du Sahara occidental : Voir aussi : Le portail du Sahara occidental : Le site de la culture hassani : Le site des villes du Sahara occidental : Le site du développement économique du Sahara occidental :